Le silence et la colère
Pierre Lemaitre

L'auteur réussit une nouvelle fois, avec virtuosité, à embarquer son lecteur dans la saga familiale des Pelletier. Véritable fresque historique, les mutations économiques de 1952 rythment le récit : conflits sociaux entre un patronat tout puissant et des salariés floués, luttes perdues contre l'administration et le progrès qui détruit des villages. le silence des femmes face à leurs conditions dans l'entreprise, ou l'asservissement de leur corps sont de véritables cris. L'horreur des avortements clandestins, l'extorsion de fonds de ceux qui les pratiquent, brise le coeur des lecteurs. Et nous mesurons avec d'autant plus de lucidité la chance que nous avons aujourd'hui. Les relations entre les personnages s'enrichissent. Ainsi, Jean et François, si différents, se rapprochent. Certaines femmes qui sentent un danger grandissant griment volontairement leur personnalité pour arriver à leurs fins. Et comme dans le tome 1, de petits secrets et de grands mensonges apportent du sel au récit.
Il n'y a rien à prouver, Pierre Lemaitre est décidément hors catégorie pour raconter l'histoire de cette famille dans l'Histoire. le plaisir de lecture est tout aussi intense que dans « le grand monde », l'attachement aux personnages se densifie, les émotions s'amplifient. Quand des personnages de papier deviennent réels, la réussite est totale. Un plaisir de lecture à ne surtout pas bouder !
La mort du roi Tsongor
Laurent Gaudé
Une tragédie, une vraie ! Qui déchire, fait souffrir, violente et tue. Met en scène le désir, l'orgueil, la haine, l'amour aussi. Quel épopée !

Au lendemain de la mort du roi Tsongor, une guerre sans merci va mettre la ville de Massaba à feu et à sang. Deux hommes et leurs armées vont s'affronter impitoyablement pour le coeur de la belle Samilia...

Un récit épique et spirituel, haletant et lancinant à la fois, sur le destin, l'honneur, la bravoure, le clan, la résistance, la haine, la destruction et la défaite.

"Et toujours l'âme humaine vient piétiner ce qu'elle a construit de grand". Un profond pessimisme et un désespoir cruel colorent ce livre sombre et guerrier qui finit pourtant sur une touche d'espoir, parle du passage des générations, de la gratitude ou non des enfants, de la bienveillance du père et du poids des ancêtres.

Laurent Gaudé a signé là un grand livre que tant de choses rendent universel, un livre qui appartient à la meilleure des littératures ...
Roman fleuve
Philibert Humm
Jubilatoire ! 3 amis, à peine 30 ans, décident sur un coup de tête d'une randonnée sur la Seine de Paris à la mer. Ils embarquent à bord d'un canoë négocié sur le Bon Coin et voguent la galère.
À peine larguée l'amarre et quitté le quai sous le pont du Garigliano, nos trois marins d'eau douce perdent l'ancre du canot ! Peu importe : la débrouille et l'improvisation feront office d'expertise et de préparation. Il y aura deux chavirements, des bivouacs sur des iles, des rencontres étonnantes, une mutinerie, des "ventilations narratives" quand il ne se passe pas grand chose sur l'eau, et beaucoup de mauvaise foi de la part d'un narrateur qui se pousse du col en aventurier donneur de leçons inutiles.

Tout ça donne une lecture pétillante d'un bout à l'autre, et ça aussi c'est un exploit : tenir la longueur avec de l'esprit, de l'humour, et l'envie avant tout de donner du plaisir au lecteur. Un vrai bonheur.
Mourir avant que d'apparaître
Rémi David
Ce premier roman est l'histoire d'amour passionnante entre Jean Genet et Abdallah. On suit en parallèle les deux hommes au début du roman : d'une part l'enfance d'Abdallah, abandonné par sa mère à un cirque, et d'autre part l'amitié de Monique, secrétaire chez Gallimard, entièrement dévouée à Jean genet. La magie de la rencontre opère peu à peu avec des chapitres qui se rejoignent pour raconter l'amour et les années qu'ils vont passer ensemble.

Abdallah est jeune, beau, quasiment illettré, en opposition au monde littéraire que Genet fréquente : Cocteau, Giacometti, Mallarmé, Juan Goytisolo Gay… Jean Genet devient le pygmalion du jeune Abdallah qui en retour lui redonne l'inspiration. Il va apprendre lui-même à Abdallah à devenir Funambule dans une quête de la perfection qui sera à la fois fondatrice et funeste.
On est sous tension durant la lecture comme quand on regarde un spectacle de voltige les yeux tournés vers le ciel... avec la peur de la chute inéluctable.
Vivre vite Prix Concourt 2022
Brigitte Giraud
Avec des si, l'auteure retrace par le détail le contexte de l'accident de son mari vingt ans plus tôt. Elle convoque ses souvenirs doux-amers et mène une véritable enquête sur tous les détails qui ont mené à l'instant fatal. Celui dont elle ne se remettra jamais.

L'ironie fait qu'une route va bientôt passer à la place de leur maison qu'elle doit bientôt quitter. L'occasion aussi de faire un bilan doucement nostalgique de sa vie passée et de cette vie manquée. Elle étudie, dissèque, enquête, découvrant par exemple que la moto japonaise qu'il conduisait était déjà à l'époque interdite au Japon car trop dangereuse. Elle refait en tête le chemin et les derniers instants de Claude avant de tout laisser. Une manière peut-être de tout ranger avant de (re)partir. Tenter de comprendre aussi comment cela a pu arriver, chercher à mettre de la rationalité dans quelque chose qui ne l'est pas et ne le sera jamais.

C'est un livre doux et puissant, absolument pas larmoyant, mais qui vous étreint et vous bouleverse jusqu'à la conclusion de cette quête indéfinissable et universelle qui est de tenter de comprendre l'incompréhensible.
Performance Prix renaudot 2022
Simon Liberati
Performance était un film où le beau Mike Jagger interprétait son propre rôle, un chanteur star, l'auteur en a fait un roman où son narrateur, vieil écrivain poussif après un AVC, enfreint encore, et peut-être, pour la dernière fois, les règles de la bien-pensance établie.

Le sujet principal porte sur la vieillesse : un écrivain sur le déclin raconte, sans complaisance, sa dégénérescence intellectuelle et physique alors qu'il a le sentiment de vivre ses derniers jours aux côtés de sa jeune compagne aussi lumineuse que névrosée. La commande d'un scénario pour une série sur les deux années qui ont précédé le décès du guitariste Brian Jones en 1969 va peut-être lui permettre de remonter la pente. C'est l'occasion de nous raconter quelques petites anecdotes sur des personnages qui ont gravité autour des Rolling stones comme Marianne Faithfull et Anita Pallenberg, le mot « groupie » fut inventé pour eux quand même !

Ne cherchez pas la musique. Il n'y a pas de bande-son. Ce livre est une mise en abîme sur le roman d'une autre histoire en fabrication. Au début, on peut craindre le collage et se demander si la trajectoire très documentée des Rolling Stones n'est pas un prétexte pour raconter une histoire et c'est bien le cas.
Il n'y a pas de Ajar
Delphine Horvilleur
Un vrai bonheur de découvrir un esprit brillant et plein d'humour qui trouve ici un moyen certes ludique mais implacable pour déconstruire les idées reçues. Ce texte n'a pas été écrit pour être lu, mais pour être déclamé devant des spectateurs. Il aborde cependant des questions, des pistes de réflexion sur un sujet qui hante même nos auteurs (et leurs lecteurs) : l'identité.

Elle combat l'idée que l'identité est unique, bien au contraire, dit-elle, nous en avons plusieurs à l'image de Romain Gary / Emile Ajar dont ce fut un des grand thème.
Aujourd'hui, des voix s'élèvent pour dire qu'on ne peut pas comprendre le racisme sans être noir, l'antisémitisme sans être juif ou le féminisme sans être femme.
Avoir une seule et unique identité, c'est le contraire de l'ouverture à l'autre, le summum de l'entre-soi.

Intelligence et humour, que demander de plus ?
Les liens artificiels
Nathan Devers
À presque trente ans, Julien Libérat en est à dresser le morne constat de ses désillusions : musicien raté survivant chichement d'un « bullshit job » ubérisé, le voilà réduit à migrer dans un clapier en banlieue parisienne alors que sa compagne vient de le mettre à la porte de leur morne vie commune. À bout de solitude, d'ennui et de manque de perspectives, il trouve un jour un dérivatif à sa déprime : Heaven, un monde parallèle reproduit, grandeur nature et à l'identique du nôtre, par un génie du Métavers, Adrien Sterner.
Chronique piquée d'humour de ce que le numérique a déjà fait de nos vies, cette histoire extrapole le monde contemporain, nous projetant dans le vertige de ces transformations à venir, dont nous nous doutons qu'elles seront majeures sans encore être capables de les appréhender. Au milieu des autres addicts aux écrans et au scrolling, englués avec leurs followers, leurs selfies, leurs likes et leurs posts dans la toile des réseaux sociaux, Julien vit « ensemble et séparé », connecté mais solitaire, hypnotisé par un mirage continu d'images affadissant un quotidien qui ne lui fait plus envie. Lorsqu'il découvre « une planète B virtuelle où tout est bien meilleur que chez vous », Julien devient son avatar Vangel.  
Aussi terrifiant que fascinant, drôle et imaginatif, un brin caricatural, le récit pose de nombreuses questions dont les réponses s'annulent dans le néant.
Le soleil des Scorta
Laurent Gaudé
Le soleil brûlant des Pouilles, le village de Montepuccio, les Scorta : un nom pour un clan, un nom qui s'écrit avec la sueur des générations qui se succèdent. Trois générations confessées par la matriarche Carmela, au curé du village, avant de pousser son dernier soupir. Un magistral récit sur l'héritage, la filiation, l'appartenance viscérale au lieu d'où l'on vient malgré l'envie de s'en échapper parfois.

C'est un roman parfaitement maîtrisé, une plume simple et puissante où le soleil frappe au cœur, où les personnages se racontent et leur histoire devient universelle parce que c'est la vie qui passe, les efforts de chacun, les abandons des autres. Dans quel but ? Quel est le sens de la vie ? C'est la grande question du roman. Il n'y pas de réponse, même l'homme d'église ne saurait répondre, à part peut-être en regardant les oliviers qui sont éternels.
Sublime. Merveilleux. Puissant. Brûlant.
Sa préféré
Sarah Jollien-Fardel
Jeanne grandit dans une maison pleine de violence où le père frappe et humilie sa femme quotidiennement. Jeanne, une fois, subit le déchaînement de violence de son père et se rend compte que rien n'y personne ne viendra à leur aide. Elle grandira marquée par cette maltraitance et tentera de fuir son histoire en quittant sa région natale.

Le récit est bouleversant, percutant, âpre. Thèmes du poids familial, des racines vers lesquelles on revient toujours, de la honte, de la culpabilité, de la violence, du pardon. Le talent de ce premier roman réside dans le fait que dès la première phrase, l'auteure nous prend par la main et ne la lâche plus. A travers un style fluide et direct, sans ambages inutiles ; à travers des mots et des phrases que l'on sent polis à l'infini, on tourne les pages les unes après les autres. Et derrière la dureté de Jeanne ou l'horreur des scènes de violence s'immiscent parfois quelques signes de tendresse et peut-être d'espoir. Jeanne tend vers eux, elle essaie de trouver où elle le peut ce qui la lavera de toute cette souillure. Mais il est des fardeaux parfois trop lourds à porter, des questions qui demeureront éternellement sans réponse et ce roman n'est pas un conte de fées même si l'ogre, ici, existe bel et bien.
L'illusion du mal
Piergiorgio Pulixi
Après L'île des âmes, le duo d'enquêtrices Croce et Rais sont de retour pour notre plus grand bonheur ! De la Sardaigne à Milan, elles nous entraînent dans une traque aux multiples rebondissements. Un récit addictif, haletant, plein d'émotions, et d'adrénaline. Aucun temps mort. Un vrai page-turner.

L'auteur nous propose une véritable réflexion morale, sur un sujet très actuel : la Justice qui, pas ses défaillances, pourrait engendrer une justice spectacle et populaire où tout le monde se croirait juge via les réseaux sociaux. Une justice des tripes sans autre cadre que le droit de vie ou de mort pour tous d'un simple clic mais tout n'est pas aussi simple qu'il n'y parait…

Un roman de six cent pages qui se lit comme un claquement de doigt, et qui va rester longtemps dans la tête. Vivement le prochain !

« Regardez au plus profond de vous et demandez-vous si cet acte de justice est nécessaire. Il suffit d'un clic. Une seconde de votre temps pour réparer un tort épouvantable. Et si vous êtes convaincus comme moi que le système doit changer, diffusez ce lien parmi vos contacts. Faites-les participer. Trois heures. D'une manière ou d'une autre, vous aurez encore de mes nouvelles... »
Chien 51
Laurent Gaudé
L'idée de fusionner polar et anticipation dystopique est brillante, à la fois pour inventer un monde, donner du rythme à son intrigue et du corps à ses personnages. La narration alterne entre le passé sombre du héros : Sparak, au moment de l'effondrement de la Grèce et le présent d'un monde ultra-connecté où un cadavre étrangement mutilé est retrouvé dans la zone la plus pauvre de la ville. Les personnages sont forts, jouant avec les caricatures du genre sans jamais y tomber ; un flic éreinté et cabossé, une jeune femme ambitieuse, des puissants corrompus. Du microcosme à la mégalopole, l'écriture est puissante, évocatrice et questionne notre actualité.

Il y a du Damasio dans ce livre, un parfum des Furtifs et/ou de la Zone du dehors mais c'est le lecteur ici qui fait le rapprochement et donne à la fiction un avant-goût de la réalité. Combien de fois j'ai repensé au Furtifs de Damasio quand j'entends les nouvelles de notre monde ? Ce livre pourrait bien aussi devenir une petite alerte quand les entreprises deviendront plus fortes que les états et qu'elles décideront de notre avenir à la lumière de leur seul profit.
La Treizième Heure
Emmanuelle Bayamack-Tan
C'est une histoire d'amour, de quête spirituelle et d'identité. C'est l'histoire d'une triade : la fille, le père, la mère ou comment ces trois visions de la vie, ces trois individualités se retrouvent. Farah est la fille adolescente en crise, Lenny le père solaire et Hind la mère repentante. Farah n'a pas été élevée par Hind qui a fui le domicile peu après sa naissance. Chaque protagoniste raconte la quinzaine d'années précédant les faits à sa façon, avec quelques règlements de compte à la clé. Mais en réalité le jeu des identités et des orientations de genre rend la situation beaucoup plus complexe. Le sexe de naissance ne correspond pas nécessairement au genre assumé adulte. "On s'en fout de la chatte" disait Vernon Subutex. L'amour est au cœur de ce livre et il échappe à toutes les règles, en serait-il plus fort ? 
Il y a un goût de Despentes dans ce livre sur l'histoire d'amour entre Lenny et Hind qui rappelle Vernon, sur cette communauté de personnes à la marge et pourtant ce livre, c'est le grand développement d'Arcadie que l'auteur n'a peut-être pas osé écrire à l'époque.
Trilogie Verhœven
Pierre Lemaitre
Du polar, du thriller, puissance 4 ! Cette trilogie se compose de 4 livres ou plutôt de "trois volumes et demi" comme le dit lui-même l'auteur : Travail soigné, Alex (prix Dagger International 2013), Rosy & John, Sacrifices (prix Dagger International 2015).
Ce sont 4 histoires de femmes autour d'un homme : Camille Verhœven, commandant à la Brigade criminelle. Un mètre quarante-cinq de haut, chauve comme un œuf, rétif à l'autorité et perpétuellement en colère contre un destin qui ne lui laisse aucun répit. Cet enquêteur pour le moins atypique se retrouve confronté à des affaires glaçantes : des meurtres épouvantablement littéraires dans Travail Soigné, une "victime" qu'on ne voudrait pas croiser la nuit dans Alex, le projet effroyable d'un poseur de bombes dans Rosy & John et la boucle se referme sur toutes ces histoires avec le très efficace Sacrifices ! Quatre thrillers reconnus pour leur mécanique implacable, des intrigues trompeuses et aux rebondissements saisissants, une écriture nerveuse, un jeu permanent avec les codes du genre policier.
Un MUST pour tous les fans de polars !
Cher connard
Virginie Despentes
Roman épistolaire, essai, billet d'humeur… C'est avant tout, un grand roman, une œuvre de fiction où l'autrice donne tout pour construire ses personnages, leur adosser leur propre système de pensée, et les faire exister. Dans une société polarisée, l'auteur redistribue les cartes, recherche la vérité et l'authenticité. Chacun de ses personnages est libre de ses émotions, libre d'être un connard, libre d'être une bonne personne, parfois les deux en même temps. Tout ça sans complaisance, sans compromis. Ça fait du bien de ne pas être dans le simplisme général !

Le féminisme reste au coeur du livre en exposant plusieurs points de vue. C'est riche et ça ne peut pas laisser indifférent, je vois encore différemment mon rapport aux Femmes après cette lecture et tout l'héritage masculiniste que je porte malgré moi. Autre grand sujet du livre : la drogue avec cette idée forte que les rencontres et le partage collectif sont salvateurs à l'exacte inverse des réseaux sociaux. Beaucoup d'autres sujets de société sont abordés en profondeur. L'auteure ne nous impose rien, nous pousse à la réflexion, sous la forme d'un dialogue avec des pensées brillantes, instinctives, qui auraient aussi bien leur place dans un essai philosophique que dans une discussion de comptoir.
Moderne, brillant, indispensable ! 
Le serpent majuscule
Pierre Lemaitre
L'auteur a eu la bonne idée de remercier ses fans de polar en leur offrant son tout premier manuscrit en guise d'adieu à ce genre. On pourrait croire l'exercice plutôt risqué mais l'accueil ne peut être que très favorable .... C'est du Lemaitre "jeune" avec les qualités et les défauts propres à son talent. Je ne pense pas que ce soit son meilleur roman ni sur le plan de l'écriture ni sur le plan de l'intrigue. Ce polar est facile à lire, porté par un curieux personnage, Mathilde, vieille dame à qui on donnerait le Bon Dieu en confession et pourtant… On suit avec intérêt ses pérégrinations qui sont drôles, ironiques, loufoques, décalées. Pierre Lemaitre maniait déjà le second degré avec une certaine réussite.

Les scènes sont très visuelles et sensorielles, les pages se tournent toutes seules. Cette Mathilde nous fait tourner la tête avec ses sautes d'humeur, ses principes qui l'amènent dans des colères incroyables. J'ai pris un grand plaisir à suivre ses péripéties. À lire absolument pour les amateurs du genre : Mamie Luger de Benoît Philippon : plus original et plus percutant.
La dune étoile
Laurence Gourret-Lapeyre
Victoria est une femme occidentale, bourgeoise, ancienne journaliste, dont la vie semble tout à fait stable depuis qu'elle a refait sa vie avec Pierre, notaire en province. Lors d'un week-end à Marrakech, ils décident de tenter l'aventure marocaine et d'ouvrir une maison d'hôtes à Marrakech. Une série d'évènements vont alors bousculer son destin et la faire basculer dans une autre vie avec des expériences aussi exaltantes que décevantes en s'immergeant dans la culture marocaine.

A la suite d'une rencontre, elle se lance avec passion dans une relation amoureuse, un mode de vie qui la fascine jusqu'à la chute, qui pulvérise ses rêves. Plus largement, c'est l'histoire d'un choc de cultures où les protagonistes réagissent avec leur propre code. Enfin, c'est un hymne à la vie, à sa fragilité et à l'éphémère de tout ce qui est.
Le philosophe qui n'était pas sage
Laurent Gounelle
Cap sur la forêt tropicale et une peuplade reculée. C'est l'histoire de manipulation d'un peuple par des hommes venus de la « civilisation », pour nous proposer une parabole en forme de critique de notre société actuelle. Allégorie sur les méfaits de la société de consommation, de l'individualisme forcené et du capitalisme. C'est à prendre au deuxième degré, l'auteur ayant décidé de prêter des mots qu'on ne devrait pas trouver dans la bouche de ces « indigènes ».

L'idée est simple et fonctionne globalement bien. Il insiste sur la différence marquée entre le mode de vie de ces gens proches de la nature et l'égoïsme de notre mode de vie, différence entre leur respect des autres et notre mépris. C'est souvent manichéen, parfois trop, simpliste parfois dans le message, touchant à d'autres moments, et ça se lit tout seul.
Le temps des grêlons
Olivier Mak-Bouchard
Dans un monde très légèrement dystopique, les hommes sont devenus invisibles sur les photographies. Plus moyens de prendre en photo quelqu'un. Puis l'espace de stockage du Nuage est tellement saturé qu'il commence à recracher chronologiquement tous les êtres humains photographiés et filmés depuis 1837. Bientôt, le monde est submergé d'hommes et de femmes venues du Nuage à travers le temps et l'espace : les Grêlons. Alors les grands hommes reviennent, on les attend pour illuminer notre monde comme Rimbaud qui nous reserve une belle surprise à la toute fin du roman, "Achevé d'imprimer".

C'est un roman fantastique, peut-être d'anticipation ? Un grain de folie douce qui parle avec intelligence et profondeur des dérives de notre société : narcissisme, consumérisme, dangers d'un populisme de plus en plus extrémiste, xénophobie… 
L'auteur nous invite à conserver notre âme d'enfant face aux déchaînements du monde.
Molière, qui es-tu ?
Boris Donné

Dom Juan, Tartuffe, l'Avare, le Misanthrope ou le Malade imaginaire : les personnages de Molière sont si célèbres qu'ils sont devenus des archétypes. Mais Molière lui-même, qui était-il vraiment ? Au-delà des légendes, des fantasmes, des rumeurs sur sa vie et sur sa mort, que sait-on de l'homme - né Jean-Baptiste Poquelin il y a quatre siècles - qui s'est caché derrière ce pseudonyme ? Comédien, auteur controversé, courtisan du Roi-Soleil, figure majeure du Grand Siècle, Molière a su garder ses secrets.

Quels bonheurs et quelles blessures ont forgé sa sensibilité? D'où vient son regard acerbe sur la comédie de la vie ? Il faut scruter à la fois les documents et son théâtre pour deviner ses ambitions, ses passions, ses convictions religieuses et philosophiques. Molière entre lumière et ombres : ce livre révèle la dimension humaine d'une oeuvre qui ne cesse de nous fasciner.
Le Grand Monde
Pierre Lemaitre

Juste quelques jalons historiques, qui servent de toile de fond à cette folle histoire, pleine de rebondissements: nous sommes en 1948, trois lieux en guise d'écrin : Beyrouth, Saigon et finalement Paris. Tout va s'emballer, les circonstances, les décisions, les actions de cette famille Pelletier. C'est à la fois un roman d'aventures, un polar, une saga sociale et un livre historique. Un régal ! 

Des thèmes riches et foisonnants, familiers à l'auteur, sont ici exacerbés : les mensonges, la famille, les compromissions politiques, les coups du destin. Et surtout, cette superbe et savoureuse galerie de personnages ! Entre l'inquiétante et ignoble Geneviève, l'énigmatique Diêm reconverti en gourou, et même le chat Joseph, qui en a vu de belles du haut de son frigidaire ronronnant, il y a de quoi se réjouir!

Cerise sur le gâteau, une surprise vous attend, si vous connaissez les livres précédents de l'auteur... À lire absolument !
L'autre Molière
Eve de Castro

L'auteure explore une hypothèse née il y a plus de 100 ans de l'esprit de Pierre Louÿs. Une hypothèse quelque peu dérangeante pour les Moliéristes. Une hypothèse qui voudrait que Molière n'ait pas écrit ses pièces lui-même mais que ce soit le grand Corneille qui se soit prêté à la comédie par amour pour Armande. Une hypothèse séduisante qui tient encore en haleine de nombreux amateurs de théâtre et historiens, rappelons-nous le clash entre Franck Ferrand et Francis Huster ! Je vous conseille d'ailleurs la Collection Molière de franck Ferrand sur Radio Classique et le podcast absolument génial de  Philippe Collin : Molière, le chien et le loup sur France Inter.
C'est un roman et Eve de Castro ne s'en cache pas. Son autrice a choisi un parti pris et l'assume. C'est une plongée palpitante au coeur de la création artistique et littéraire du XVIIe siècle au travers de la parole de chacun des protagonistes.
Je recommande ! A vous de trancher en sa faveur ou non !
Armande ou le chagrin de Molière
André Versaille

Travaillant depuis plus de quinze ans sur Molière, André Versaille a voulu donner la parole à Armande Béjart, sa dernière épouse, pour lui faire raconter Molière de son point de vue, et relater en même temps la vie de la compagnie du Roi la plus célèbre du théâtre français. Vingt-six ans après la mort de Molière, et, au terme d’une existence remuée de scène, de passions amoureuses et de libertinage, Armande, retirée de la scène et sentant sa fin prochaine, veut faire le point sur sa vie.

Pendant près d’un an, elle s’astreindra chaque soir, dans la solitude, à se remémorer les épisodes de sa vie, et l’aventure quotidienne de la troupe avec ses grands moments : scandale, querelle, cabale, féérie, folie... A l’évocation de ces événements, elle s’interroge sur sa relation avec Molière, trop plein, à ses yeux, de son art pour satisfaire la jeune femme qu’elle était.

André Versaille nous fait entrer dans l'intimité de Molière et de sa vie. On regarde les aventures du dramaturge par la trou de la serrure et c'est passionnant ! 
À la lumière de la nuit
Ilaria Tuti

Je voulais découvrir les aventures de la célèbre commissaire italienne Teresa Battiglia. C'est ici le 3e tome d'une trilogie qui a valu le surnom de "Donato Carrisi au féminin" à l'auteure. Prix Bête noire des libraire 2019. Un best-seller donc.

Pas sûr que c'était une bonne idée de commencer la trilogie par ce dernier tome mais j'ai découvert tout de même un personnage singulier, attachant et qui détonne dans le milieu du polar puisque atteint de la maladie d'Alzheimer… Elle et son adjoint Marini sont seuls à prendre au sérieux les rêves d'une petite fille Chiara. La petite fille, atteinte de la maladie de la lune, rêve toute les nuit d'une sépulture d'enfant. Un rêve qui les amènera à enquêter sur une route migratoire qui attisa toutes les convoitises.

C'est un roman singulier, très imagé, très sensoriel, qui cultive le mystère et cherche à emmener le lecteur au-delà du visible… Et moi elle m'a perdu plus d'une fois. Problème de traduction peut-être.
La nuit tombée sur nos âmes
Frédéric Paulin

Qui se souvient du contre-sommet du G8 à Gênes en juillet 2001 ? Personne. Pourquoi ? Deux mois plus tard, deux tours s'écroulaient...

L'auteur nous fait revivre cette explosion de violence de l'intérieur. D'un côté les forces de police italiennes nostalgiques de la république de Salo pilotées par Il Cavaliere Berlusconi. De l'autre, des pacifistes d'extrême-gauche et les black blocs qui ne connaissent qu'un mot d'ordre : tout casser. Entre ces deux factions, deux journalistes, deux flics, deux jeunes, tous paumés dont les illusions s'écrouleront avec le retour de la barbarie et des actes qui rappellent les heures les plus sombres de notre histoire.
Frédéric Paulin nous offre ici un témoignage indispensable qui nous exhorte à la vigilance. Un rappel que la barbarie est toujours là tapie, elle ne demande qu'à se réveiller.
S'adapter
Clara Dupont-Monod

Quel livre ! Sensible et intelligent ! Clara Dupont-Monod relate le parcours d'une famille en proie aux difficultés liées à l'arrivée d'un enfant handicapé, "inadapté" dit-elle. Pour l'ainé, c'est un privilège de protéger ce frère aveugle et figé, il apprend en l'observant la beauté du monde. Il s'adapte au monde et au handicap par un amour fusionnel. Pour la cadette, c'est l'inverse, elle n'éprouve que rejet et dégoût pour ce frère qui a renversé les rôles de chacun dans la famille. Elle doit apprendre à s'armer, à trouver un refuge loin de cette famille qui s'émiette, qui se retient de pleurer, de crier à l'injustice. Pour le petit dernier enfin, qui n'a pourtant pas connu le frère handicapé, il faut encore s'adapter face aux autres membres de la famille qui en ont le souvenir.
Sans apitoiement, on se laisse surprendre par la justesse du propos, on s'émeut de voir combien la différence est une richesse. Elle bouge les lignes, nous force à nous adapter et nous enrichit.
Les flammes de pierre
Jean-Christophe Rufin

On sent à travers les superbes descriptions des paysages de montagne et des ascensions, toute la passion mais également toute la pratique de l'auteur qui vit et grimpe dans ce décor une bonne partie de l'année. Ça donne envie de sauter dans le premier train et partir en quête de chaque pan des territoires parcourus, de découvrir les refuges cachés comme celui de la Charpoua qui prend ici une teinte romantique à souhait malgré la tension dramatique de la scène qui s'y déroule. 
Pourtant, ce ne sont pas les sens qui dominent le récit mais bien l'observation de l'évolution des protagonistes dont le destin est indissociable de la montagne qui les a mis en présence. Et la réflexion autour de ce que peut représenter la montagne pour chacun d'entre nous, entre révélateur et catalyseur, entre immense beauté et risque permanent. C'est passionnant, dépaysant, instructif, sensible.
Une bonne lecture du soir grâce à la plume déconcertante de facilité de Jean-Christophe Rufin. Ca se lit tout seul comme on dit et combien de talent faut-il pour atteindre cette simplicité.
Saint Phalle
Gwenaëlle Aubry

Quelle plaisir de redécouvrir Saint Phalle ! Partir à sa rencontre, sous le soleil de Toscane, dans son Jardin des Tarots et se laisser guider dans la mythologie de l'œuvre à la rencontre de : La Force, Le Magicien, Le Soleil, La Papesse, Le Fou, La Mort, Le Monde. 
Se laisser conter Niki qui a peint à la carabine, créé des Accouchées sanglantes et des Mariées livides, des Nanas bariolées et des Skinnies filiformes, des Black Heroes, des films hallucinés. Avec Jean Tinguely, son double créateur, ils ont inventé « 36 000 façons d’être déséquilibrés ». Le Jardin est son Grand Œuvre où rage et rêve se mêlent dans des figures monumentales. 

Munissez-vous de votre smartphone pour visualiser les œuvres citées, Il faut être une spécialiste pour toutes les connaître comme Gwenaëlle Aubry mais on trouve autant de plaisir à retrouver les œuvres les plus connues comme la fameuse HAN ou les Nanas que de découvrir toute l'étendue de cet univers torturé mais sublime.
Viper's dream
Jake Lamar

Des années 30 à la fin des années 50, Clyde Morton règne sur Harlem au rythme du jazz et dans la fumée de la Mary Warner, la Viper comme elle est surnommée à Harlem, qui se répand à toute vitesse et Clyde sera son messager…
Le décor et les personnages sont des icônes que nous connaissons tous au point de se demander si Viper Morton n'est pas réel lui aussi. C'est un fabuleux prétexte en tout cas pour nous raconter l'histoire du jazz et de ses grands noms par le petit trou de la serrure. Du scat au be-bop, on croise Bird, Dizzy, Monk, Miles, Fats, Nica et on se prend à vivre avec eux au rythme effréné des jams sessions. 
Prenez bien soin de créer la playlist de l'auteur en fin de livre et de lire ce roman en écoutant tous les morceaux d'une épopée fabuleuse.
Avant que le monde ne se ferme
Alain Mascaro

Gros coup de coeur pour ce premier roman. C'est un hommage à la communauté tzigane, à sa liberté et à sa différence qui résonne aujourd'hui en chacun d'entre nous. Les différences sont précieuses et constituent une richesse. L'Histoire l'oublie parfois et se rappelle à nous dans ce livre où les tziganes étaient encore moins considérés par les nazis que les juifs, c'est dire. Les pages sur cette sombre période sont extrêmement touchantes et nécessaires. Pourquoi raconter la blessure du peuple tzigane aujourd'hui ? Parce que c'est un peuple qui n'a finalement rien d'autre que sa liberté et sa poésie, peut-être parce que ce sont les biens les plus précieux de l'humanité. À méditer.
Climax
Thomas B. Reverdy

Avec Climax, Thomas B. Reverdy réveille le roman d’aventures en lui offrant une dimension crépusculaire et contemporaine. Les glaciers fondent, les ours meurent et l’homme a irrémédiablement tout abîmé. Au moins, il reste la fiction pour raconter cette dernière aventure, celle de la fin d’un monde.
Se rappelant au bon souvenir des livres dont vous êtes le héros emblématiques de ma jeunesse, l'auteur nous alerte sur les risques écologiques majeurs que l'homme a provoqué et qu'il ne suffira pas qu'un lancer de dés pour nous sortir de cette impasse mais plutôt d'une réelle prise de conscience collective que nos actes auront forcément un jour ou l'autre des conséquences catastrophiques...
Allez au chapitre 38…
Maritime
Sylvie Tanette

Une puissante histoire de résistance et d’indocilité qui est aussi un appel à l’attention envers la nature et à la force de la fraternité. L’évocation poétique et solaire d’une mythologie méditerranéenne éternelle et celle d’une mémoire chargée de chagrin. On n’oubliera pas la vision de Michaëla et Benjamin, de leur amour éperdu, fracassé par l’horreur de la dictature.
À lire absolument pour prolonger un peu l'été !
L'île des âmes
Piergiorgio Pulixi

C'est un ethnopolar envoûtant, habité de la présence imposante que constitue la Barbagia, région reculée et montagneuse de Sardaigne. L'immersion est totale, entre les superbes descriptions de cette Sardaigne sauvage et l'enquête dans une ambiance mystique en relation avec la culture nuragique qui s'est épanouie sur l'île durant le Paléolithique autour de cultes et rituels ancestraux liés à la déesse Mère. 
Premier roman traduit en France de cet auteur redoutablement efficace, vivement les autres enquêtes du duo Mara Rais et Eva Croce.
Les chats éraflés
Camille Goudeau

Soizic, vingt-deux ans, monte à Paris sur un coup de tête pour fuir une jeunesse sans perspectives. Elle se jette dans une ville où personne ne l’attend, vit de jour comme de nuit, découvre la débrouille, la violence et la beauté de la capitale. Un peu par hasard, elle devient bouquiniste sur les quais de Seine.

Entre les livres, les bibliophiles et les touristes, au milieu des passants et des égarés, elle tourne la page de l’enfance et se construit une nouvelle vie. Mais pour vraiment y parvenir, inventer sa liberté et son monde, elle devra se confronter à un passé qui s’est fait sans elle et retrouver une mère qui l’a abandonnée.

Un roman plein d'énergie à l'humour subtil qui m'a plu. Soizic est un personnage à rencontrer et un premier roman à ne pas passer à côté.
Que sur toi se lamente le Tigre
Emilienne Malfatto

Sur les rives du Tigre, une jeune fille franchit l'interdit absolu : hors mariage, une relation amoureuse, comme un élan de vie. Le garçon meurt sous les bombes, la jeune fille est enceinte: son destin est scellé. Les membres de la famille se déploient en une ronde d'ombres muettes sous le regard tutélaire de Gilgamesh, héros mésopotamien, porteur de la mémoire du pays et des hommes. Inspirée par les réalités complexes de l'Irak qu'elle connait bien, Émilienne Malfatto nous fait pénétrer avec subtilité dans une société fermée, régentée par l'autorité masculine et le code de l'honneur. Un premier roman fulgurant, à l'intensité d'une tragédie antique.
Goncourt du premier roman entièrement mérité.
Canoës
Maylis de Kerangal

Sept nouvelles composent ce recueil, dont le fil rouge décline le thème de la voix. Ça commence avec les retrouvailles de deux amies, l'une d'elle cherchant ce qui a pu changer chez l'autre, quelque chose de ténu… Suit la nouvelle principale Mustang qui conte l'adaptation ou l'inadaptation d'une française au pays de Buffalo Bill. Puis l'histoire de deux soeurs qui captent les voix pour des desseins obscurs. Très belle nouvelle aussi qui traite de ces voix sur les répondeurs qu'on hésitera si longtemps à effacer après que la mort. Toutes ces tranches de vie ont pour point commun une écriture très travaillée au pouvoir quasi hypnotique. On est pris par la magie des textes et on se laisse emporter par la narration.
Le roman de Jim
Pierric Bailly

C'est un roman sur la paternité. Aymeric va souffrir d'un arrachement face auquel il ne peut rien. Mais se donne-t-il vraiment les moyens de s'en sortir ? Jusqu'au bout, Aymeric reste obsédé par cet enfant qu'il a vu naître et grandir, et qui lui a été enlevé, avec lequel il ne sait pas toujours observer la bonne distance, ni occuper la bonne place. Et c'est ce dernier qui va le retrouver et le faire grandir.
L'écriture est comme le personnage, simple, et sans fioriture. Elle dit les sentiments, elle dit le quotidien, et elle dit le manque. Et derrière les sentiments, c'est toute la question de la paternité, de sa genèse et de sa fragilité. Magnifique !
L'ami
Tiffany Tavernier

Thierry habite dans un trou perdu à la campagne avec sa femme et leurs voisins, les seuls à la ronde. Un couple sans enfants dont la femme est dépressive. Vous vous liez d'amitié, apéros en couple, partage de hobbies entre hommes......Et un beau jour vous vous réveillez, les flics ont encerclé leur maison et vos amis sont arrêtés…

Tiffany Tavernier va dès lors accompagner son protagoniste dans un long et bouleversant voyage. Pour trouver une réponse à la question qui le taraude – comment avoir pu ignorer que son unique ami était l’incarnation du mal –, il n’a d’autre choix que de quitter son refuge, d’abandonner sa carapace. Thierry part sur les traces d’un passé occulté – une enfance marquée par la solitude et la violence, dont les seuls souvenirs heureux sont les séjours dans la ferme de son grand-père mort trop tôt. Un roman efficace et malin qu'on lit d'une traite !
Betty
Tiffany McDaniel

Betty, c'est la petite indienne, sixième de huit enfants. Sa famille vit en marge de la société car, si sa mère est blanche, son père est Cherokee. Lorsque les Carpenter s’installent dans la petite ville de Breathed, après des années d’errance, le paysage luxuriant de l’Ohio semble leur apporter la paix. Avec ses frères et sœurs, Betty grandit bercée par la magie immémoriale des histoires de son père. 

Si le roman est celui de l'héritage, il est avant tout le roman d'une résilience. Le père guide sa fille vers l'écriture pour transcender le quotidien et c'est terriblement émouvant de la voir grandir et naître comme écrivaine et poétesse, ses mots lui permettant de transcender les tragédies que sa famille vit, ils ont le pouvoir de briser le cycle. 700 pages d'une intensité incroyable.
Il est des hommes qui se perdront toujours
Rebecca Lighieri

C'est un roman noir comme tous les romans de Rebecca Lighieri, pseudo maléfique d'Emmanuelle Bayamack-Tam. Elle se confronte aux forces du mal, raconte l’enfance dévastée, l’injustice, le sida, la drogue, la violence dans une cité de Marseille entre les années 80 et 2000. Karel, Hendricka et Mohand essaient de survivre à leur enfance, entre maltraitance, toxicomanie, pauvreté des parents, et indifférence des institutions. 

C'est quasiment en apnée que se dévore ce roman dont les excès contribuent à l'addiction qu'il suscite. On en sort comme estomaqué, après une scène finale époustouflante. Même si tout est un peu « trop », trop violent, trop beaux, trop laid, c'est trop bon ! À lire absolument !
Aussi riche que le roi
Abigail Assor

Années 90, Casablanca. Sarah n’a rien et à la sortie du lycée, elle rencontre Driss, qui a tout ; elle décide de le séduire, elle veut l’épouser. Sa course vers lui, c’est un chemin à travers Casa et ses tensions : les riches qui prennent toute la place, les joints fumés au bord de leurs piscines, les prostituées qui avortent dans des arrière-boutiques, les murmures faussement scandalisés, les petites bonnes harcelées, et l’envie d’aller ailleurs. Mais ailleurs, c’est loin.

Les bruits, les odeurs, tous les détails sont retranscrits ici de manière saisissante. On n'oubliera pas de sitôt l'héroïne à la fois solaire et mystérieuse dont on ne peut que tomber sous le charme pendant la lecture de ce très beau texte.
Les démons
Simon Liberati

Serge, Alexis et Taïné traînent leur désœuvrement. Taïné a la beauté empoisonnée d’un tableau préraphaélite ; Serge est un prince des ténèbres ; quant à Alexis, le plus jeune et le plus fou, il se jette à corps perdu dans l’amour et la provocation. La séduction de leur jeunesse tourne à la cruauté muette. Nonchalants et fantasques, ces démons sont de ceux qui sont trop beaux et trop aimés de la fortune. Entre Paris, Cannes et Bangkok, ils rêvent d’écrire ou, à défaut, se contentent d’être des héros.

Un roman d’une ambition rare, mêlant l’intrigue balzacienne à l’hymne pop. L’esthétique de cet univers aussi glamour que brutal est une magnifique métaphore de la capacité ou de l’incapacité à créer.
La fièvre
Aude Lancelin

Le 24 novembre 2018, Yoann, Gilet jaune de 35 ans, est interpellé sur les Champs Elysées pour avoir lancé un pavé. Il sera condamné à quatre mois de prison avec sursis. Six mois plus tard, en mai 2019, alors que le mouvement périclite, ce jeune électricien au chômage se suicide dans la ferme de ses parents en Creuse, département le plus pauvre de France.

Inspiré de cette tragique histoire vraie, « La Fièvre » traverse une époque de décomposition morale et intellectuelle, qui aura laissé s'installer des penseurs épris de notoriété, des médias dépassés par la situation, des hommes d'appareil tentant de reprendre le contrôle, en vain ?
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